Bill Hings

9 ans de port.
31 ans lors de la contraception.

 

 

 

« T’as jamais entendu parler des risques liés à la pilule ? Ta mère est gynéco et elle t’a jamais rien dit ? » J’étais étonné de ce que me racontait ma compagne. Et j’étais aussi inquiet pour sa santé.
C’est sûr que de mon côté, à fréquenter les milieux écolos, les histoires concernant les hormones me faisaient flipper.

J’avais entendu parler de la méthode Billings, une méthode qui permet aux femmes de savoir où elles en sont dans leur cycle. On peut y avoir recours autant dans un but nataliste que pour une recherche de contraception. Je trouve un bouquin expliquant tout.
Elle me dit qu’elle l’a lu, qu’on peut s’y mettre, qu’elle arrête la prise d’hormones. Sauf que je trouvais que c’était un peu trop rapide pour être suffisamment fiable. J’avais besoin d’être rassuré.
Alors, c’est parti pour une recherche sur le net : il existe quoi pour me contracepter ? Après tout, ça peut tourner aussi. Pourquoi c’est toujours le problème des meufs ?

Je ne trouve rien de concluant. Je visite alors trois organismes d’information sur la sexualité. Bilan, en contraception masculine, y a : la capote, la vasectomie, l’injection hebdomadaire d’hormones, et le retrait. Pfff… Le latex, je connais… Le retrait, trop inefficace à mon goût… les hormones, je n’en veux pas…

La vasectomie ? J’en avais un peu entendu parler.
Une opération de deux fois un quart d’heure avec anesthésie locale et on n’en parle plus ? C’est pour moi la solution la moins pire. Il me faut plus d’explications.
Mon médecin généraliste s’empresse de revêtir son uniforme de juge suprême. Je cherchais des infos, il tente d’office de me dissuader. À force d’insistance, il me donne ce papier nécessaire pour aller questionner un spécialiste (urologue ou andrologue). Je reviendrai plus tard lui demander une autre ordonnance et il ne commettra plus de faute déontologique et restera neutre.
La vasectomie étant plutôt considérée comme un acte de stérilisation, donc définitif, il me trouvait trop jeune pour choisir cette voie. A-t-on déjà sermonné un parent sur l’aspect définitif d’avoir choisi de mettre un enfant au monde ? Cher docteur, tu fais tes choix de vie, laisse les miens tranquilles. Et, avec 20 % de mecs vasectomisés dans les pays anglo-saxons, je ne me sens pas dans la dérive.
Je n’ai finalement pas poursuivi cette démarche, du moins pas encore.

On est alors en 2012, et c’est dans cette période qu’une amie m’informe d’une projection d’un documentaire sur la contraception masculine. Film au titre poétique : Vade retro spermato. Si on était 70 ou 80 dans la salle, on était bien… 6 ou 7 mecs. Sentiment de gêne. Je m’apercevrai plus tard que ce ratio est souvent représentatif lors de discussions organisées sur ce thème.
Ce film traitant surtout de l’histoire de la création d’une contraception dans les années 80 à Toulouse, il me manquait plein d’infos. Je prends le contact d’un médecin andrologue qui peut m’accompagner. Le rendez-vous est vite pris, quelques semaines après. Ce sera une autre qualité d’écoute qu’avec mon généraliste.

C’est lui qui me fera vivre ma première remontée testiculaire, en douceur. C’est pas faute d’avoir essayé plusieurs fois dans mon lit, sans succès. Ça peut arriver spontanément à d’autres gars. Perso, ça ne s’est jamais produit pour moi. L’utilisation d’un anneau facilite la manœuvre. Alors, c’est juste ça ? Je n’ai rien senti. C’est là que mes testicules étaient logés à ma naissance. En effet, les cavités existent encore. Légère sensation d’être un fakir, alors que ce n’est pas plus difficile que d’enfiler un gant.

L’andrologue me montre un modèle de remonte-couilles toulousain et m’expose son protocole : 15 heures quotidiennes minimum, un spermogramme avant, un autre au bout de trois mois, réversibilité jusqu’à quatre ans d’utilisation, efficacité théorique à partir de trois mois de port… Je ne suis pas concerné par les contre-indications (cancer des testicules, ectopie, hernie inguinale, cryptorchidie, varicocèle de grade 3). Je lui apporte un lot de slips classiques à faire modifier et j’essaye un modèle sur mesure pendant un après-midi. Test validé. Je recevrai plus tard les autres pièces.
Un premier spermogramme au Cecos (le centre qui accompagne surtout les couples ayant des problèmes de fertilité). L’ambiance est pesante… Pas pour moi ! Au contraire d’autres laboratoires d’analyses médicales, j’ai pu profiter de confort, de respect et de discrétion. Le résultat me place dans la tranche « homme fertile » (74 millions de spermatozoïdes par millilitre de sperme). Après environ deux mois d’utilisation, je suis descendu a 40 000. Je suis loin en dessous de la limite du million. Je suis considéré contracepté !
L’andrologue m’indique qu’aucune contraception n’est fiable à 100 % et qu’avec ce résultat, j’ai un risque d’engendrer une grossesse sur cinquante ou soixante ans de relations.

J’ai dû retoucher ces slips « chauffants » pour m’assurer un maintien fiable au début. J’ai tout de suite fait le choix de porter un deuxième sous-vêtement par-dessus pour mon confort. J’ai ressenti cette période comme un changement d’habitudes, un peu comme mettre des chaussettes avec mes sandales ou porter des lunettes. C’est bizarre la première fois, puis j’oublie rapidement.
Pendant la période d’ajustements, il m’arrivait de glisser une main dans le froc pour replacer une boule. Ça peut m’arriver encore. Soit je le fais discrètement aux toilettes, soit c’est l’occas’ d’en parler aux témoins de la scène, avec l’enthousiasme de pouvoir informer sur une alternative pouvant éventuellement alléger le quotidien de certaines femmes.

C’est alors que j’organise une projection de Vade retro spermato. Je dresse les stats : quatre femmes et quatre hommes. Pas lourd, j’ai du rater la com’, mais y a parité. Finalement, en creusant, les personnes directement concernées étaient peu représentées : deux femmes ménopausées, un mec vasectomisé et un autre souhaitant y recourir, et deux hommes homos.

Un nouveau spermogramme m’annonce 50 000 spermatozoïdes par millilitre, puis un autre où je suis à 0, azoospermie. C’est le même résultat pour les trois autres qui suivront. Mes premiers tests ont été espacés de six mois ou plus au début. Ensuite, parti à l’étranger, j’étais suffisamment rassuré sur l’efficacité du dispositif pour ne pas chercher de labo d’analyses médicales pendant deux ans et demi. Mon dernier remonte à y a deux ans. Idem : zéro spermatozoïde. Je l’ai fait pour rassurer ma compagne.

J’ai dépassé depuis longtemps la barre des quatre ans consécutifs. N’ayant pas eu le souhait d’enfanter durant cette période, j’ai continué cette pratique sans interruption. Ce seuil des quatre ans a été posé grâce a une naissance dont le papa s’était auparavant contracepté pendant cette durée. D’autres utilisateurs pourront peut-être étendre cette limite et rassurer sur la réversibilité de la méthode.

Je n’ai jamais noté mes heures pour atteindre les 15 heures. J’ai pris l’habitude d’enfiler mes slips quand je m’habille. Au coucher, j’évalue quelle durée j’ai passé avec les couilles en lévitation, en prenant toujours une marge de sécu. En m’habillant à 8 heures, je le retire à 23 heures. Et, si le quota est insuffisant, je m’endors avec. Il m’arrive de l’enlever pendant la nuit, comme il m’arrive de me réveiller avec.
Je n’ai jamais eu de peine à ne pas manquer une journée, vu que je m’habille chaque jour. L’oublier reviendrait à zapper de mettre un futal.
J’ai continué à le porter pendant mes périodes de célibat, considérant qu’il m’était plus commode de ne pas changer mes sensations habituelles en retrouvant ce ballant entre les jambes.

Pour ce qui concerne les autres changements éventuels, comme des conséquences sur mes humeurs, ma libido, l’aspect du sperme (l’éjaculation est toujours là), les plaisirs ressentis… je n’ai noté aucune différence. Les retours sont les mêmes pour les collègues pratiquants avec qui j’ai pu échanger.

Au cours de ma pratique, j’ai pu avoir des irritations sous le scrotum, en raison des frottements. Ça a l’air d’être comparable à des irritations sous les seins avec un soutien-gorge mal ajusté.
J’ai maintenant recours à un modèle « jockstrap », confectionné à la maison, pour 6 balles de matériau, qui m’apporte un meilleur confort.

Poussé par cette impression de profiter d’une véritable petite révolution, je n’en suis pas resté à la projection de Vade retro spermato. Plusieurs discussions ont été organisées (beaucoup en lien avec le Planning familial) où j’ai juste témoigné de mon parcours. J’ai posé un stand d’infos dans plusieurs événements. Les femmes ont quasiment toujours été les plus réceptives et enthousiastes. Puis, après deux-trois ans, le découragement a été un moment plus fort : le mec qui me dit aimer vivre à poil et se ferme complètement à l’info alors que la nana prend des hormones… Le gars qui annonce que « sa » meuf s’occupe de la contraception, alors il va pas se faire chier avec ça… paroles entendues sur des rassemblements féministes.
En plus, je ne me souviens pas qu’un homme m’ait demandé plus d’infos pour envisager de passer à la méthode. Puis, après ma période de légère déception, où j avais arrêté de taper des bornes pour présenter la technique, j’ai rencontré d’autres utilisateurs, dont certains se trouvaient dans des réseaux associatifs. J’ai alors ressorti le stand, repris la route, et je rencontre maintenant une proportion conséquente de gens qui en ont déjà entendu parler. Les sourires gênés peuvent être encore là, mais je vois bien plus d’hommes intéressés qu’auparavant. La dernière discussion collective, animée avec un collègue, envisageait de déboucher sur un atelier couture pour une vingtaine de personnes, avec une majorité d’hommes… et je suis resté récemment presque douze heures derrière le stand sans désemplir, je n’avais rien à vendre, mais les demandes ont été nombreuses.

Après bientôt neuf ans d’utilisation, je cherche encore les inconvénients de cette contraception. Du moins, ce que je considérerais personnellement comme des inconvénients. Si ce n’est son accessibilité, franchement, je sèche. La pilule est disponible facilement, souvent même sans la demander. Et c’est très bien pour les nanas qui la choisissent après une information complète. Mais j’hallucine encore de savoir que l’aventure des Toulousains s’est déroulée il y a quarante ans… mon âge !

La 1re Rencontre nationale sur la contraception masculine a eu lieu à Toulouse fin 2020. Le tissus associatif s’enrichit. Les médias commencent à s’emparer du sujet. Les institutions étatiques et médicales n’ont pas bougé d’un poil pubien, ce qui est à regretter du point de vue de l’information et de l’éducation à la sexualité.
Depuis les premiers essais de slips – bricolés avec une résistance chauffante – jusqu’à aujourd’hui, la route a été longue, mais trop confidentielle.

Vive le slip !